Baudelaire, Pissaro et Chopin
Petite anthologie poétique du dimanche X
À l'heure où nos villes se hâtent d'enterrer l'automne sous leurs lourds filets de lumières, je vous propose ce poème tiré des Fleurs du Mal de Baudelaire, "Brumes et pluies" :
Ô fins d'automne, hivers, printemps trempés de boue,
Endormeuses saisons ! je vous aime et vous loue
D'envelopper ainsi mon coeur et mon cerveau
D'un linceul vaporeux et d'un vague tombeau.
Dans cette grande plaine où l'autan froid se joue,
Où par les longues nuits la girouette s'enroue,
Mon âme mieux qu'au temps du tiède renouveau
Ouvrira largement ses ailes de corbeau.
Rien n'est plus doux au coeur plein de choses funèbres,
Et sur qui dès longtemps descendent les frimas,
Ô blafardes saisons, reines de nos climats,
Que l'aspect permanent de vos pâles ténèbres,
- Si ce n'est, par un soir sans lune, deux à deux,
D'endormir la douleur sur un lit hasardeux.
Illustré par Le Pont Neuf de Pissaro :
Tout cela n'étant pas très pluvieux, je terminerai par le prélude n°15 en ré bémol majeur "La goutte d'eau" de Chopin (op.28).