Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Fabellicula
13 septembre 2009

Giono, Rodin, Vivaldi

Petite anthologie poétique du dimanche I

   Puisque je ne sais définitivement pas écrire, nouveau contenu pour la rubrique "texte" : tous les dimanches, je proposerai une poésie ou un extrait de texte que j'ai ressenti comme particulièrement poétique ; que j'assortirai si possible d'un tableau et d'un morceau de musique. On commence donc par la description du hêtre au début de Un roi sans divertissement de Giono. C'est un extrait un peu long, mais il est impossible à couper, ce serait tout gacher.

   "Les arbres font bruire inlassablement dans l'ombre de petites crécelles de bois sec. Le hêtre de la scierie n'avait pas encore, certes, l'ampleur que nous lui voyons. [...] Il était surtout (à cette époque) pétri d'oiseaux et de mouches ; il contenait autant d'oiseaux et de mouches que de feuilles. Il était constamment charrué et bouleversé de corneilles, de corbeaux et d'essaims ; il éclaboussait à chaque instant des vols de rossignols et de mésanges ; il fumait de bergeronnettes et d'abeilles ; il soufflait des faucons et des taons ; il jonglait avec des balles multicolores de pinsons, de roitelets, de rouges-gorges, de pluviers et de guêpes. C'était autour de lui une ronde sans fin d'oiseaux, de papillons et de mouches dans lesquels le soleil avait l'air de se décomposer en arcs-en-ciel comme à travers des jaillissements d'embruns. Et, à l'automne, avec ses longs poils cramoisis, ses mille bras entrelacés de serpents verts, ses cent mille mains de feuillages d'or jouant avec des pompons de plumes, des lanières d'oiseaux, des poussières de cristal, il n'était vraiment pas un arbre. Les forêts, assises sur les gradins des montagnes, finissaient par le regarder en silence. Il crépitait comme un brasier ; il dansait comme seuls savent danser les êtres surnaturels, en multipliant son corps autour de son immobilité ; il ondulait autour de lui-même dans un entortillement d'écharpes, si frémissant, si mordoré, si inlassablement repétri par l'ivresse de son corps qu'on ne pouvait plus savoir s'il était enraciné par l'encramponnement de prodigieuses racines ou par la vistesse miraculeuse de la pointe de toupie sur laquelle reposent les dieux. Les forêts, assises sur les gradins de l'amphithéâtre des montagnes, dans leur grande toilette sacerdotale, n'osaient plus bouger. Cette virtuosité de beauté hypnotisait comme l'oeil des serpents ou le sang des oies sauvages sur la neige. Et, tout le long des routes qui montaient ou descendaient vers elle, s'alignait la procession des érables ensanglantés comme des bouchers."

hetre_rodin

   Pour illustrer, un tableau d'Auguste Rodin, Le hêtre dans une clairière de la forêt de Soignes, 1871-77, musée Rodin. Et pour illustrer, l'adagio de l'Automne de Vivaldi (n'étant pas très douée, je n'ai trouvé de lecteur exportable que pour des playlistes et non pas pour un seul morceau...).

Découvrez la playlist Giono / Rodin avec

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Fabellicula
Publicité
Archives
Publicité